Ombres électriques
Florschütz et Döhnert

La représentation commence dans un espace vide. Des lumières clignotent sur un tableau de bord. Une barre de 5 mètres de long repose sur des portants, à 2.50 mètres de hauteur. A part cela, rien, du moins à première vue. Et ce n’est seulement qu’une fois que les deux performeurs ont serré des vis invisibles çà et là, ajusté l’espace autour d’eux en faisant résonner leurs outils, que cet espace se transforme en une puissante machinerie, dont le noyau, constitué d’un axe de métal, se met lentement en mouvement, évoquant la transmission du moteur d’un train qui s’ébranle et invitant le public à partir en voyage. Toutes forces en avant dans un monde au ralenti ! Cette turbine est à la fois la force motrice, l’instrument de musique et le générateur de sons de cette machine. Elle tourne dans un sens, dans l’autre, en avant, en arrière, s’arrête, accélère en silence, grince, vrombit, murmure, craque et crépite. Les sons retentissent dans tout l’espace et le remplissent. Les deux machinistes nourrissent la turbine qui avale et recrache des objets, au rythme de son mouvement rotatif. Des objets que nous connaissons bien, tous issus de notre quotidien, un ruban de signalisation, un manteau, une chaise, des plumes, un seau... Et tout à coup, sous nos yeux, ces objets banals, familiers, sans surprise, semblent s’animer. Les voilà dotés d’une vie propre, jusqu’alors insoupçonnée. Quand par exemple un écran géant s’emballe, entraînant les deux performeurs dans une danse d’évitement dans la plus pure tradition du comique, on jurerait que cet énorme objet est vivant. Grâce à cette machinerie fantastique composée de mouvements, de sons et de jeux de lumière, les objets s’émancipent. Ils se transforment et se libèrent de leur état d’objet connu. Paradoxalement, certains phénomènes immatériels semblent vouloir se concrétiser, adopter une forme solide comme l’ombre de cette chaise, qui, tout à coup, peut être attrapée par la main. L’Atelier Fantastique crée un espace pour les objets et les libère du carcan de leur fonction. Les objets peuvent alors nous raconter leurs histoires, discrètes, subtiles, poétiques, jouer avec nos perceptions sensorielles, nous surprendre et nous dérouter.